A la fin du XIIème siècle, la paupérisation croissante et la supériorité du nombre de femmes par rapport aux hommes, essentiellement due aux croisades, pousse les femmes à se regrouper entre elles. Les premières communautés de femmes se rassemblent tout d’abord à Liège à la fin du XIIème siècle. Elles essaiment rapidement dans le nord de l’Europe et au plus fort du mouvement, on estime leur nombre à un million. Elles sont 200.000 rien qu’en Allemagne en 1321. Les Béguines étaient des femmes laïques, souvent célibataires ou veuves, mais non nécessairement. Elles seront plus tard rejointes par des hommes, les bégards, qui forment leurs propres communautés. Elles ne font pas officiellement partie de la mystique rhénane mais leurs idées en sont proches et maître Eckhart s’en est beaucoup inspiré. Comme dans la mystique rhénane, la méditation occupe une place importante car elle constitue un moyen privilégié pour atteindre l’union mystique avec Dieu.
Initialement formées de femmes veuves et démunies, souvent rejointes par quelques érudites attirées par la vie contemplative, ces communautés se développent rapidement. Elles restent laïques et vivent de leur travail ou de mendicité. Ne relevant d’aucun ordre religieux, elles jouissaient d’une certaine liberté d’action caritative auprès des pauvres et des malades.
Leurs logis, souvent regroupés près d'une église paroissiale, formaient des béguinages, lieux de protection et de dévotion. Toutefois, certaines béguines continuaient à vivre au sein de leur famille ou même avec un époux. Chaque décision de la communauté est prise après une grande réunion avec l’ensemble des membres.
Au sein de la communauté, les femmes détiennent et gèrent librement leurs biens, qu'elles peuvent transmettre à d'autres béguines selon leur volonté. Le soir, après avoir pris leur repas dans leur logement individuel, elles participent à un office commun. Leur seule obligation religieuse demeure la prière des heures, à laquelle peuvent s’ajouter la messe quotidienne et l’écoute des sermons.
Les béguines cherchent à exprimer leur foi à travers une règle de vie très souple, sans contrainte rigide. Chaque béguinage établit ses propres règles, sans mère supérieure, mais avec une "Grande Dame" élue pour quelques années. Elles vivent de manière autonome, la plupart dans des maisonnettes individuelles, tandis que les plus pauvres rejoignent une maison communautaire. Le travail, comme le blanchissage, l'agriculture ou l'enseignement pour les plus instruites, leur octroie une émancipation économique. Elles ont aussi des compétences médicales utilisées dans les infirmeries des béguinages et expriment parfois leur foi à travers l'art. Bien que menant une vie spirituelle intense, elles ne suivent aucune règle stricte, choisissant librement leurs engagements religieux, tels que la chasteté, la pauvreté ou parfois l'obéissance.
À l'origine, de nombreuses béguines travaillent pour subvenir à leurs besoins, gagnant leur vie et collectant des aumônes. Certaines possèdent leurs propres ateliers, notamment de tissage, de poterie ou de copie de manuscrits. Il n'était pas rare qu'elles soient employées comme domestiques, surtout dans les hôpitaux, où leur dévouement aux pauvres et aux malades était très apprécié. Leur mode de vie, proche de la sainteté, attirait également des femmes plus riches et cultivées, qui faisaient gérer leurs biens afin de redistribuer leurs revenus sous forme d’aumônes.
Peu à peu, les béguines vont devenir la cible des ecclésiastiques et de la société civile. En effet, prônant un idéal de pauvreté évangélique et une liberté spirituelle, elles choquent par leur mode de vie qui échappe à la hiérarchie ecclésiastique. Elles ne prononcent pas de vœux et restent laïques, ce qui leur permet de s'affranchir des contraintes monastiques. Si leur piété est d'abord bien vue, elles finissent par susciter la méfiance du clergé, qui voit en elles une concurrence économique et religieuse, et menacent la chasteté des moines, qui viennent les confesser. Leurs libertés sociales, religieuses et économiques inquiètent également les autorités, entraînant des mesures restrictives, telles que l'interdiction du tissage et des décrets conciliaires visent à limiter leur influence. Leur lecture de la Bible en groupe et leur indépendance intellectuelle sont aussi perçues comme audacieuses et subversives, contribuant à leur marginalisation progressive.
La spiritualité des béguines est basée sur la quête d'une expérience intérieure et personnelle de Dieu. Elles cultivent une piété active et intérieure riche. Les plus célèbres sont Hadewijch d'Anvers ou Marguerite Porète, dont l'œuvre Le Miroir des âmes simples anéanties a profondément marqué la mystique. Marguerite Porète a été condamnée pour hérésie en raison de ses écrits qui évoquent une expérience de Dieu sans intermédiaire, rejoignant ainsi la recherche d’union immédiate et intuitive avec le divin, au cœur de la mystique rhénane. Il s’agit là encore de dissoudre l'âme dans l'amour divin, dans une foi vécue de manière profondément personnelle et intérieure, en dehors des structures rigides des ordres religieux traditionnels.
Les béguines se distinguent également par une pratique de la prière et de la méditation qui, tout en étant profondément contemplative, n’est jamais coupée du monde. Elles voyaient leur travail au cœur de la société comme un prolongement de leur foi.
Influencé par la littérature courtoise et les traditions mystiques de l’époque, leur langage et leurs écrits révèlent une sensibilité poétique, où l'amour divin est souvent comparé à l'amour chevaleresque, une quête sans fin pour atteindre l'union parfaite. Cette dimension poétique est visible dans les œuvres de certaines béguines comme Hadewijch d'Anvers, dont les visions mystiques mêlent des images d'amour intense, de souffrance et de transcendance.
Dans cette tradition, la méditation n’est pas simplement une pratique contemplative, mais un chemin de dépouillement intérieur et de détachement du monde matériel, permettant à l'âme de se libérer de tout ce qui l'éloigne de la divinité. L’âme peut alors s’unir à Dieu dans un silence intérieur total. La méditation devient ainsi un outil essentiel pour se purifier et réaliser l'expérience mystique de l'unité absolue entre l'âme humaine et Dieu, au-delà des dogmes et des rituels de la religion institutionnelle.
Pour commencer, il est essentiel de s’approcher de la méditation béguine avec une attitude d'humilité et de dépouillement. Les béguines cherchent à s’anéantir, à se fondre dans l’amour divin sans chercher à s'affirmer. Ainsi, pour méditer comme elles, il faut laisser de côté les préoccupations matérielles et personnelles, pour se rendre pleinement disponible à la présence divine.
Il s’agit avant tout de se constituer un cadre méditatif épuré, loin des distractions, où l’on pratique le silence. Le cœur de la méditation béguine réside dans une prière silencieuse, intérieure, où l’on cherche à faire taire le bruit du monde pour écouter la voix divine. Dans cette démarche, il n’est pas nécessaire de réciter des prières formelles, mais de s’ouvrir à l’amour de Dieu avec la sincérité d’un cœur d’enfant.
La notion de « pur amour », telle que développée par Marguerite Porète nourrit une méditation centrée sur l’abandon total à l’amour de Dieu, où l’on ne cherche rien pour soi, mais où l’on accepte de se perdre dans une relation d’amour désintéressé. Méditer en réfléchissant sur cet « amour pur » implique d'accueillir la grâce divine sans attente, sans espoir de récompense, et de laisser l'âme se reposer dans cette confiance absolue.
Pour les béguines, chaque action était occasion de méditation, qui voyaient dans chaque geste une possibilité d’union avec le divin. Il est donc possible de méditer dans les actions les plus simples : cuisiner, jardiner, ou simplement marcher. Chaque mouvement peut devenir une prière, une manière de s’offrir à Dieu dans les petites choses.
Certaines béguines, telles que Hadewijch ou Porète, ont laissé des écrits qui peuvent aussi servir de support méditatif. Il est intéressant de lire quelques lignes et d’entrer en méditation ensuite, en laissant les mots résonner dans son cœur. Le silence qui suit la lecture devient alors un espace pour accueillir la présence divine dans votre âme.
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